Un tournant dans l’opinion

Face à la politique antisémite d’exclusion et de spoliation mise en oeuvre dès l’automne 1940 par les autorités allemandes en zone occupée et le régime de Vichy sur tout le territoire, l’opinion publique se montre apathique et n’exprime aucune protestation significative. On assiste le plus sou- vent à un silence complice. Le gouvernement de Pétain trouve un soutien efficace à cette politique auprès de la presse autorisée. L’abrogation, le 27 août 1940, du Décret-loi du 21 avril 1939 qui réprimait la diffamation raciale, a en effet permis tous les débordements et toutes les campagnes de propagande antisémites. Enfin, le pillage légal et organisé des biens juifs suscite des convoitises et per- met des spoliations ou des dénonciations intéressées. Le port obligatoire de l’étoile jaune imposé par les Allemands en zone occupée et la grande rafle des Juifs de zone libre durant l’été 1942 en vue de leur déportation susciteront cependant la compassion de la population et créent des amitiés ou des complicités anonymes.

Des interventions efficaces des prélats catholiques (Monseigneur Saliège, le cardinal Gerlier,...) sous la forme de lettres adressées au maréchal Pétain et de lettres pastorales aux fidèles ont marqué le mois d’août 1942. Poussé par l’abbé Chaillet, le cardinal Gerlier, ami personnel de Pétain, archevêque de Lyon et Primat des Gaules, couvre le sauvetage d’une centaine d’enfants juifs qui devaient être transférés à Drancy par la préfecture de Lyon. Les évêques de Marseille et d’Albi condamnent également les rafles opérées dans la zone libre: « les mesures antisémites sont un mépris de la digni- té humaine, une violation des droits les plus sacrés de la personne humaine ». L’aide collective se manifeste tout particulièrement autour du sauvetage des enfants. Des villages entiers, principale- ment dans les Hautes-Alpes, le Gers, le Tarn et la Drôme, se mobilisent pour venir en aide aux enfants persécutés. L’exemple des habitants, en majorité protestants, du Plateau-Vivarais (Chambon-sur-Lignon, Mazet, Romières, etc...) en Haute-Loire, prouve qu’il était possible de n’être ni passif, ni complice de la volonté des Allemands largement aidés par Vichy et son administration. Cette aide collective en demeure le symbole.

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