Persécutions en Afrique du Nord
Un antisémitisme virulent sévissait déjà en Algérie depuis la fin du 19ème siècle. La législation antisémite mise en place par l’Etat français à partir de 1940 s’applique aussi bien aux quelques 130.000 Juifs des trois départements français d’Algérie qu’à ceux de la France métropolitaine. La loi du 7 octobre 1940 abroge le décret de naturalisation collective des Juifs d’Algérie dit décret Crémieux du 24 octobre 1870. Les Juifs sont alors confinés dans la condition de sujets indigènes, déchus de leurs droits politiques. D’autres lois viennent compléter celle du 7 octobre et retirent la citoyenneté française à ceux l’ayant acquise individuellement par Senatus Consulte (1865) ou au titre de la loi du 4 février 1919.
Certaines mesures sont spécifiques à l’Algérie comme la fixation d’un numerus clausus dans l’enseignement primaire et secondaire. Afin d’en atténuer les conséquences désastreuses, la communauté juive met en place un enseignement primaire et secondaire juifs dans les grandes villes. Les Juifs, en âge d’être mobilisés, sont enrôlés dans des unités non combattantes. L’Algérie se couvre de camps; certains sont réservés aux Juifs: de nombreuses localités du Sud Algérien, Colomb-Bechar, Saïda, Bedeau, prennent l’allure de véritables camps de concentration pour militaires algériens d’origine juive.
Le débarquement anglo-américain du 8 novembre 1942 sur les côtes marocaines et algériennes est une étape décisive. En Algérie, sa réussite est due pour une large part à l’action d’un groupe de jeunes résistants, en majorité juifs, qui contribuera à assurer le succès du débarquement allié en Afrique du Nord. L’attitude antisémite du général Giraud empêche l’abrogation des lois raciales de Vichy. L’arrivée du général de Gaulle à Alger le 30 mai 1943 et la création du Comité Français de Libération Nationale (C.F.L.N.) peu de temps après, apportent une amélioration au sort des Juifs.
Néanmoins, le rétablissement du décret Crémieux sera repoussé pendant cinq mois, en raison des atermoiements dus à la persistance de l’hostilité envers les Juifs, particulièrement vive en Algérie, notamment dans l’administration et le commandement militaire. Ce n’est que le 20 octobre 1943 qu’un communiqué du C.F.L.N. annoncera le rétablissement de la citoyenneté française des Juifs d’Algérie en application du décret Crémieux.
Dans les deux protectorats du Maroc et de la Tunisie, la législation antisémite est appliquée diversement. De novembre 1942 à mai 1943, les six mois d’occupation allemande en Tunisie ont des conséquences dramatiques sur la communauté juive, et ce malgré les paroles de sympathie prodiguées à plusieurs reprises par le bey Moncef: dans les camps de travaux forcés où des milliers de Juifs ont transité, certains sont abattus, quelques-uns sont déportés par avion et mourront dans les camps d’extermination nazis. Le 15 mars 1943, les lois raciales sont annulées dans la Tunisie en guerre. Six semaines plus tard, Tunis et Byzerte sont libérées.
Au Maroc, le sultan Mohammed V désapprouve la législation antisémite à l’encontre des sujets juifs et il s’efforcera, en partie avec succès, d’en adoucir les modalités d’application. Il sera d’ailleurs fait compagnon de la Libération par le général de Gaulle. Pour les 162 000 Juifs du Maroc, le mois de février 1943 est l’annonce d’un retour à une vie normale: les Juifs internés ou astreints au travail forcé sont libérés.